Le sport, mon corps et moi


Ou comment le yoga change ma vie

Je n’ai jamais aimé le sport, en dépit des efforts de ma mère qui m’a inscrite à diverses activités pendant l’enfance puis l’adolescence ; j’ai même longtemps été une caricature de la « pas sportive ». Mais voilà, dernièrement une amie m’a dit que j’étais une fausse « pas sportive » et mon adelphe[1] m’appelle « la fit-girl » pour se marrer. De l’enfance à la trentaine, mon rapport au sport et à mon corps a beaucoup évolué. Cet article est l’occasion de faire le point sur une relation mouvante qui semble aujourd’hui s’apaiser.

Itinéraire d’une « pas sportive »

Inadéquate. C’est un sentiment souvent dominant chez moi lorsque je suis face aux autres et à l’époque de l’adolescence je ne le sentais jamais aussi fort que lorsque j’étais confrontée au cours de sport. Il faut dire que l’école a beaucoup fait pour mon désamour des disciplines sportives, c’était l’espace privilégié du harcèlement et de l’humiliation. En terminale j’ai malgré tout eu la chance de rencontrer Monsieur M, prof d’EPS de son état, qui m’a à lui seul réconciliée avec toute son espèce et offert quelque chose précieux : la certitude que je pouvais réussir. Malheureusement, dès que monsieur M. a disparu de ma vie, le sport a disparu aussi. Je n’avais pas la maturité pour continuer sans lui.

 Dans les années qui ont suivies c’est la maladie qui s’est installée, alors avec les études et le travail ça devenait difficile de penser à autre chose. La question du sport continuait cependant à me titiller, je suivais assidument le blog d’Anne qui racontait jour après jour sa transformation en sportive accomplie. J’étais pleine d’admiration et d’envie, je me disais « et moi alors ? » sans jamais oser sauter le pas. J’étais incapable de me motiver seule, mais complètement paralysée par mes expériences précédentes je n’avais aucune envie d’entrer à nouveau dans une dynamique collective.

Arrive alors la Guyane. Les études sont terminées et les jobs précaires aussi, je suis enseignante titulaire et j’acquiers pour la première fois une forme de stabilité. C’est le moment de reprendre les choses en main, car il faut bien avouer que c’est un endroit privilégié pour les sportives et sportifs. Inscrite à un cours de gym auquel je me rends deux fois par semaine pendant plusieurs mois, je suis finalement vite rattrapée par mes soucis de santé. Les deux premières années sont difficiles, je perds une dizaine de kilos, multiplie les séjours hospitaliers et les anesthésies générales. Exit la gym. Je suis exsangue. J’essaye de garder le dessus et finalement je me fais accompagner par un coach pour dépasser ma peur de l’eau et réapprendre à courir. Le feeling avec le coach ne passe pas du tout et je me force pour chaque séance sans jamais être satisfaite de moi.

Photo by Stephanie Greene

Du yoga vers le kayak

Un couple d’amis me propose un jour de tester une séance de yoga pour me changer les idées. Je me laisse embarquer un peu à contre-cœur et finalement j’apprécie beaucoup le cours ! La professeure a une voix très agréable et explique bien les mouvements, elle apporte une attention toute particulière au placement du geste sur la respiration. Quelques mois plus tard, elle ouvre un cours près de chez moi et j’accepte d’y accompagner une copine. C’était il y a presque deux ans, depuis je pratique 1h30 de vinyasa yoga presque tous les samedis dans un très joli carbet entouré de verdure et d’animaux pour mon plus grand bonheur.

Dans cet espace exclusivement féminin, j’ai trouvé le soutien et les encouragements qui m’ont poussée à m’accrocher face aux postures un peu plus difficiles. J’ai appris que l’essentiel était moins de réaliser parfaitement une figure que de travailler sur moi pour dépasser mes blocages et mes raideurs. J’ai senti mon souffle s’allonger, mon équilibre s’installer et l’assurance se développer au fur et à mesure que j’apprenais.

Combien de fois ai-je rêvé d’un autre corps, plus solide, plus apte à affronter la vie ? Un corps valide et plus conforme aux normes que la société nous renvoie.

Au fil du temps j’ai commencé à me laisser porter par mon corps et non plus à le porter comme un fardeau. Désormais j’apprends la tolérance, j’accepte mes limitations et je me découvre des capacités insoupçonnées. Je ne peux pas tout faire, mais je peux réussir certaines choses. Il y a quelques semaines, en accomplissant une variation du vasisthasana, je me suis sentie incroyablement fière. Quel chemin parcouru jusque-là… Et je me suis réjouie à l’idée du chemin qui me reste encore à découvrir. 

En décembre j’ai croisé à nouveau la route d’une de mes anciennes élèves qui a fait du lobbying pour que je rejoigne le club de kayak tenu par son père[2]. Il se trouve que j’ai dans mon entourage proche un triathlète qui consacre une grande partie de ses loisirs à un club de pirogue et cette personne m’a encouragée à tester, ne serait-ce qu’une fois. Alors bon gré, mal gré, j’y suis allée. Le prof est incroyablement patient et pédagogue. Vous devinez la suite… je suis restée.

Le kayak, c’est tout autre chose que le yoga, mais sans le yoga je n’aurais jamais laissé le kayak entrer dans mon quotidien. Le yoga m’a permis de faire davantage confiance à mon corps, de tester une nouvelle discipline qui me semblait hyper exigeante et pas du tout faite pour moi, de me détacher (un peu) de la notion de perfection… Je pense aussi que la pratique du yoga m’aide à mieux gérer les courbatures et m’a renforcée sans même que j’en ai eu conscience, car même si le kayak est rude pour mon corps (je suis souvent pleine de bleus après une séance, porter mon embarcation est un défi en soi), je ne souffre pas excessivement les jours qui suivent la pratique. C’est ma curiosité qui m’a poussée à tenter le kayak et c’est le désir de dépassement de moi-même qui m’y garde. Ici encore, la pédagogie du prof et du groupe compte pour beaucoup, j’apprends à mon rythme et je m’émerveille de pouvoir faire bien plus que je ne le croyais, même si le résultat est pourtant médiocre à bien des égards.

Photo by Filip Mroz

Se fixer des objectifs

Aujourd’hui je me contente d’une pratique bienveillante, car il est clair que le résultat de mes efforts est imparfait. Alors que faire du sport régulièrement était un défi en soi, je me surprends de plus en plus souvent à envisager l’avenir et à réfléchir à la manière de me développer. Je ne serai jamais une grande sportive, je manque trop de volonté pour cela. Je n’entrerai jamais en compétition non plus, car je ne me vois pas m’y épanouir. Pourtant, j’entrevois des chemins pour avancer à ma mesure.

Dans un premier temps il serait peut-être intéressant de penser à mon équipement. Investir dans un véritable tapis de yoga et une tenue en lycra pour le kayak afin de me faciliter la vie. Dans un second temps, il faudrait sans doute s’attarder sur l’aspect purement sportif. J’aimerais beaucoup ajouter une troisième séance à ma semaine pour continuer à me structurer, mais je ne sais pas encore si je serais capable de le supporter physiquement. Ça serait pas mal cependant de développer ma force et mon endurance, alors je pense attendre la rentrée de septembre pour voir ce qui colle avec mon emploi du temps de l’année dans les offres proposées par la ville.

A l’heure actuelle je ne me considère toujours pas comme une sportive, je pratique en dilettante en fonction de mes capacités et des mes envies. En la matière je reviens de loin et je suis satisfaite d’avoir trouvé un équilibre de vie. Alors que la Guyane est frappée par un nouveau confinement strict, je me surprends à soupirer et à me demander avec une certaine impatience quand je pourrais reprendre ma pagaie et ça, croyez-moi c’est quelque chose !

Et vous alors, sportive accomplie ou work in progress ?


[1] Issu du grec ancien adelphós (utérin), désigne les personnes nées de mêmes parents indistinctement de leur genre, synonyme neutre de « frère » ou « sœur ».

[2] Papa qui se trouve être le fils de ma prof de yoga ! Eh oui, la Guyane est un monde tout petit derrière ses aspects de pays immense…


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