Comment je suis devenue anarchiste, Isabelle Attard


Isabelle Attard, Comment je suis devenue anarchiste, collection Reporterre au Seuil

💡Incursion en réflexions anarchistes

Voilà des années que je lis régulièrement Sophie du blog Tout est politique et Irène du blog La Nébuleuse, deux personnes que je respecte beaucoup et qui affichent depuis un moment des convictions anarchistes. Des convictions qui sont peu à peu venues titiller ma curiosité.

Toutes deux sont très actives sur les réseaux sociaux, en particulier les stories Instagram. Si le sujet du libertarisme m’a questionnée, ce n’est pas sur ces plateformes que je peux m’informer car l’organisation de ma vie personnelle et professionnelle ne m’autorise qu’un suivi sporadique de ces comptes. C’est la raison pour laquelle je préfère la lecture des blogs, beaucoup moins instantanée certes, mais qui me permet d’accéder à des réflexions organisées et facilement consultables à n’importe quel moment – y compris bien longtemps après que leurs autrices les y ont publié.

C’est donc après la bataille que je peux commencer à regarder ce sujet d’un peu plus près en piochant parmi leurs recommandations des ressources qui me paraissaient accessibles intellectuellement pour m’initier très en douceur à un courant de pensée qui suscite plus d’une polémique…

📚 Comment je suis devenue anarchiste

Isabelle Attard a été députée écologiste entre 2012 et 2017. Partie prenante de ce qu’on appelle l’affaire Denis Baupin et opposante à la Loi Travail, elle est finalement contrainte de quitter l’Assemblée Nationale après l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron et du parti En Marche. Elle nous raconte un peu son parcours professionnel et politique et les désillusions qui en ont découlé, la poussant à s’intéresser à d’autres formes d’organisation sociale et politique jusqu’à découvrir l’anarchisme.

Le livre est court (147 pages) et le style d’Isabelle Attard est simple, ce qui rend l’ensemble très accessible. Elle nous explique avec beaucoup d’enthousiasme pourquoi l’anarchisme, tout décrié qu’il soit, lui est apparu comme une réponse politique légitime et rationnelle face aux problématiques soulevées par l’essor capitaliste. Isabelle Attard s’attache à restituer sa découverte de la pensée anarchiste et de ses différents courants, mêlant ses questionnements à des références et des exemples piochés aux quatre coins du monde.

Certains aspects m’ont laissé sur ma réserve. Je l’ai dit, Attard partage son enthousiasme vis-à-vis de l’anarchisme et du foisonnement de ses courants, mais à vrai dire cet enthousiasme débordant m’a un peu gênée aux entournures. Je suis très prudente (timorée même ?), lorsqu’on essaye de me vendre une solution miracle et ici il n’y a pas beaucoup de nuances concernant d’éventuelles limites du mouvement. Si je suis très intéressée par la liste de références en fin d’ouvrage, pas grand-chose n’est sourcé dans le propos lui-même. J’ai beau savoir que ça n’est pas obligatoire dans un livre qui se présente avant tout comme un témoignage, ça m’a un peu crispée car il y très clairement une portée argumentative dans le propos développé. Enfin, sa lecture de l’Histoire m’a parfois donné le sentiment d’être un peu manichéenne avec les gentilles figures anarchistes sans reproche opposées au communisme et au libéralisme.

J’ai également éprouvé un véritable sentiment de malaise au moment où Attard évoque les attentats commis par des anarchistes. Certes, elle replace ses évènements dans un contexte de lutte globale, mais j’ai eu beaucoup de mal à adhérer à certains propos de la partie « L’anarchisme n’est pas un terrorisme » (p. 77-83). Je ne suis pas du tout calée sur les questions de légitimité de la violence qui traversent de nombreuses réflexions militantes ces dernières années et lire que les poseurs de bombes n’ont été « que quelques dizaines à travers le monde » et « [qu’]il y eut en tout moins de deux cent morts » (p. 78) me donne l’impression qu’il y a ici une forme de minimisation qui me dérange moralement. Bien sûr c’est tout à fait personnel et je comprends bien qu’Isabelle Attard essaye de remettre en perspective ces actions en montrant à la fois ce qui a pu les motiver, leur marginalité et leur impact négatif sur le reste du mouvement, mais j’ai senti que mon esprit entrait en résistance à ce moment-là de ma lecture et il serait malhonnête de ma part de ne pas le mentionner.

D’autres aspects des propos d’Isabelle Attard m’ont quant à eux particulièrement intéressée. Elle revient à plusieurs reprises sur les liens qu’entretiennent la pensée libertaire et l’écologie, le féminisme et l’éducation. Elle essaye de démontrer que ces questionnements s’entrecroisent et trouvent leur place dans les mouvements anarchistes. Tous ces sujets sont extrêmement intéressants et je serai d’ailleurs curieuse de lire comment l’antiracisme et l’antivalidisme peuvent également s’articuler à ces luttes. A titre personnel j’ai été très sensible à ses propos concernant le féminisme et l’éducation, car ces deux thématiques me tiennent particulièrement à cœur. Attard ne fait finalement qu’effleurer ces sujets, mais c’est suffisant pour me donner envie de les creuser davantage.

Vous l’aurez compris, Comment je suis devenue anarchiste d’Isabelle Attard ne m’aura pas convaincue de suivre les traces de son autrice. La simplicité du propos et le foisonnement des pistes de réflexion qu’elle propose m’auront en revanche persuadée que l’idéal anarchiste mérite qu’on s’y arrête et qu’on approfondisse la question. A ce titre, je considère que ce livre est plutôt une assez bonne première approche qui pose des jalons de réflexion en laissant son public libre d’y réfléchir ensuite à son rythme.

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3 réponses à “Comment je suis devenue anarchiste, Isabelle Attard”

  1. Hello !

    Comme toi, c’est Irène qui m’a poussée à découvrir l’anarchisme. J’ai dévoré le livre de Isabelle Attard en même temps que quelques autres sur le même sujet mais contrairement à toi, j’ai été très enthousiasmée :)
    Je suis de ton avis avec le manichéisme de sa pensée parfois mais sinon je la trouve vraiment passionnante. Qu’elle ne source pas page à page ne me semble pas très embêtant puisque les faits sont souvent facile à aller vérifier, rien à voir avec des thèses de biologistes peu accessibles par exemple ^^

    Pour le côté légitimation de la violence … ça c’est clair que ça peut choquer mais désormais je comprends beaucoup mieux l’usage nécessaire de celle-ci parfois. Je sais que j’en serai incapable mais je la comprends voire la soutien.

    C’est chouette de lire un avis qui diffère, ça me donne envie de le relire en gardant en tête une certaine froideur pour l’appréhender avec plus de distance :)

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    • Bonsoir !

      Contrairement à toi, je n’ai encore lu que ce livre et cela explique certainement aussi que je sois tellement frileuse sur la question. Je suis toujours un peu lente au démarrage… Ça m’avait fait ça aussi pour le végétarisme, je crois que j’ai dû sortir tous les poncifs possibles sur la question avant de finalement être convaincue que c’était quelque chose qui était à la fois éthique et à ma portée. Je sens que sur ce type de sujet (politique en général) je débute toujours par une forme de passivité / résistance intellectuelle avant de creuser davantage. J’ai besoin d’alimenter ma réflexion sur la question de l’anarchisme avant de pouvoir vraiment entrer dedans (ou pas). Irène m’a fait quelques recommandations de lectures donc je pense qu’au fil de l’année à venir je vais petit à petit construire ma position et pourquoi pas devenir moi aussi très enthousiaste :)

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